Une rumeur court, avec de plus en plus d’insistance, selon laquelle Jacques Abeille vient de nous quitter. Il a, pourrait-on dire, disparu.
Il serait plus juste de dire qu’il est entré désormais dans l’autre présence.
« Pourquoi as-tu quitté la forêt et les bûcherons, tes semblables ? —
On ne traduit pas les signes, on agit selon leur sens; partout retentissent des appels et, de ce point de vue, on peut dire que la forêt est partout. »
À partir de cet instant, on peut dire aussi que Jacques Abeille est devenu
Le Veilleur du jour.
29 janvier 2022
Jacques Abeille, portrait d’intérieur
La mémoire trouvée de l’explorateur perdu.
Parfois je me demande si J. A. a jamais existé.
J’ai rencontré plusieurs fois dans ma vie quelqu’un répondant au nom de Jacques Abeille.
Je n’ai jamais rencontré personne se nommant Bonda la lune ou Léo Barthe.
J’ai lu un jour un livre intitulé Bartleby, l’histoire d’un homme qui préférerait ne pas. Sa vie était suspendue à des points de suspension. Férocement.
J. A. est un homme merveilleusement immédiat, je n’en ai guère connu de plus indéchiffrable.
J’aime le rapport de J. A. à l’écriture. Il ne se prend pas pour un écrivain. Je pourrais dire qu’il est vraiment autre chose que cela. Oui, autre.
J. A. écrit pour saisir des signes qui échappent à tous, y compris au vent, au vide.
J. A. a eu un éditeur dont le nom est « Ombres ».
Les mots qu’il utilise sont ceux de tout le monde, mais ils n’appartiennent qu’à lui.
J.A. décrit des femmes si réelles qu’elles n’existent pas. Peut-être qu’elles ne sont pas réelles et qu’elles existent.
J. A. m’avait jadis confié un texte intitulé « Sous réserve d’inventaire ». Il était daté 15 juin 1977. L’accompagnaient trois dessins de sa manière, si reconnaissable. Je l’ai publié début 1980 dans la petite collection inactualité de l’orage.
Entre les mots, il y a de la nuit dans les fenêtres de Jacques Abeille.
(Extraits d’un Portrait,
daté 15 septembre 2021)
P.V.
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