« … être là
et vivre » Petr Král
S’il existe un poète qu’on peut vraiment dire inclassable, c’est bien Petr Král qui a vécu à Paris de 1968 à 2006, d’origine tchèque et parlant admirablement le français, créant une poésie au plein cœur de la prose, non pas une prose poétique à la manière d’un Baudelaire ou d’un Julien Gracq, mais une poésie inscrite dans les veines les plus secrètes du corps de la vie, de l’existence nue. Il faudra d’ailleurs un jour inventer un mot, spécifique, pour désigner cet étrange vers que déplie sa sensibilité et que je ne connais à personne d’autre. Il s’ensuit une magie singulière du style, de l’expression, de la saisie du monde, d’un énoncé du regard de la pensée sur ce qui constitue la vie immédiate, la quotidienneté si apparemment banale des choses que nous voulons tenir pour réelles, alors que leur énigme irréductiblement nous échappe.
D’abord considéré comme un poète surréaliste issu du groupe pragois et accueilli comme tel à Paris, il s’est vite avéré que Petr n’avait aucun goût pour l’étiquetage poétique ou esthétique. Sa propre évolution, il l’a cherchée et creusée à partir de ses expériences et rencontres sans se soucier des querelles de personnes qui pouvaient encore se donner libre cours à cette époque.
Petr Král — Distances — éd. Obsidiane, 2021 |
Le recueil de poèmes — Distances — que publient aujourd’hui les éditions « obsidiane », après la mort de Petr Král en juin 2020 à Prague, sera donc un recueil posthume qui ne viendra que mieux souligner l’évolution de l’inspiration du poète vers la fin de sa vie.
Arpenteur d’une vie aussi matériellement libre que possible, ne concédant que le minimum à toute obligation sociale, parisien du dixième arrondissement en même temps que poète à Lisbonne ou Bruxelles, visitant New York, Barcelone ou Londres, bougeant beaucoup pour un simple piéton, promeneur d’objets et de lieux, solitaire toujours en proximité des autres, poète prolongeant son regard dans toutes les directions, n’en jugeant ni par le haut ni par le bas, jamais écrasé par le poids du monde, fasciné par ce qui existe, essayant toujours de dire sans aucune barrière morale son propre indicible, voyageur immobile planté dans son imprévisible verticalité, à l’occasion d’une pause qui ne le fait pas poser, Petr Král était un ami fidèle, pas forcément facile, mais je crois que, sans insister, il apportait à l’autre une justesse faite de réelle sincérité.
On retrouve bien des facettes de l’homme dans les poèmes que rassemble Distances, même si le plus long d’entre eux, intitulé « Dans la fourrure », nous amène à nous souvenir que la maladie était douloureusement présente dans son corps. Et il est prodigieux d’apercevoir comme sa force intérieure pouvait la tenir… à distance justement. Cette capacité d’ironie, voire d’humour à peine teinté de noir force à son tour l’admiration. Depuis toujours il y avait chez Petr un air de fragilité indestructible qui faisait dire à qui le rencontrait pour la première fois que ce jeune homme portait avec lui, en lui, une sorte de grâce qui pourrait bien l’emmener on ne sait où. Il était tout à fait conscient de son unicité et était capable d’utiliser son charme, mais il éprouvait aussi une réelle tendresse pour la condition des êtres et des choses. Me comprendra-t-on si je dis que Petr ne faisait pas le poète : il était poète, dans sa parole, dans ses mots, dans ses gestes tendus d’espace.
Petr Král — Distances — Obsidiane éditeur, mars 2021
Pierre Vandrepote
Bonjour, je viens de recevoir le "Droit du gris" et j'ai vu que vous aviez publié dans votre collection "Inactualité de l"orage" "Du gris nous naissons". Vous resterait-il un exemplaire de ce numéro ? J'aimerais beaucoup échanger avec vous à propos de l'oeuvre de Petr Kral. Mon mail : l.fritsch@cegetel.net
RépondreSupprimerMerci par avance.