lundi 13 janvier 2020

Danse pour une lecture de Stéphane Sangral














Depuis que Stéphane Sangral écrit livre après livre, depuis qu’il livre livre après livre, depuis qu’il délivre de livre en livre, depuis qu’il délire de lire en rive, depuis qu’il délire de l’ivre en livre, depuis qu’il se délivre du livre à venir constitué de tous les livres venus, depuis qu’il se délivre du livre impossible, celui qui est à venir, celui qui est avenir, celui qui est la possibilité du livre, celui qui hante la conscience des poètes, d’un Stéphane à l’autre, celui qui ne livre que sa propre impossibilité de livre en tant que livre, celui qui ne pourra jamais être que la « Préface à un Livre Futur », voici qu’il commence à se délivrer comme livre qui ne s’écrira jamais, qui s’écrit à chaque seconde, dans chaque blanc entre les mots, dans chaque étoile entre les paragraphes, dans les blancs de la conscience, dans chaque silence entre les mots, dans la musique des silences et des sphères,

Depuis que Stéphane Sangral écrit livre après livre, depuis qu’il commence sans relâche son commencement, depuis qu’il avance dans le noir de son propre alphabet, dans le blanc de sa conscience en état constant de sidération, depuis que son hasard est devenu sa nécessité, depuis que son coup de dés n’abolit aucune interrogation, depuis que l’objet livre ne le délivre d’aucune quête ni de l’avant ni de l’après, depuis que le début est comme la fin, depuis que l’avant-dire n’emprunte pas forcément le même chemin que la postface, voici que l’écheveau qui se déroule à hauteur de poignet chez l’auteur se met à creuser une brèche dans l’entendement comme si rien ne pouvait jamais finir dans la grande spirale humaine qui tourne comme la terre sur son axe, et autour du soleil, et autour des galaxies qui tournent autour de nos mots qui tournent autour de nous-mêmes sans nous saisir ni dans le temps ni dans l’éternité.

« Il manque toujours un livre sur les rayons des librairies. » Même si ce « manque » désigne secrètement un « trop », l’auteur sait bien que l’objet du livre à écrire ne désigne pas autre chose que lui-même, que cet inaccessible que désigne tout « véritable » livre. Le vieux rêve, celui de condenser le monde en un livre, de le tenir dans la main comme on pourrait tenir la vérité crispante de l’être au monde, ne s’éteindra qu’avec l’homme  exténué, brûlé, calmé dans sa douleur de savoir. Dans le non retour de son ultime parole.

« Le monde est fait pour aboutir à un beau livre ».

« Elle, défunte nue en le miroir, encore
  Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe
  De scintillations sitôt le septuor. »

Mais le monde est-il fait pour aboutir à un beau livre ?
Mais la poésie du monde est-elle faite pour aboutir à un beau livre ?
Un beau livre peut-il n’aboutir qu’à un beau livre ?
Un beau livre peut-il exister une fois pour toutes en tant que « beau 
livre » ?

Une fois, une seule fois, un beau regard éperdu jeté sur l’éperdue beauté du monde.



Stephane Sangral - Préface à ce livre - Éditions Galilée



                                                                             Pierre Vandrepote












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