mercredi 8 octobre 2014

Jean-Marc Meloux, la construction du réel photographique










© Jean-Marc Meloux, Départementale 8












Les road-photos 
de Jean-Marc Meloux



  

     Toute route porte en soi un désert, chacun y devient le nomade de sa propre vie, image parfaitement réfléchie de ce qu’est l’existence de chacun d’entre nous. Et c’est bien cela que nous dit la route, parce que c’est toujours elle qui nous traverse, qui nous emmène vers l’inconnu, la rencontre, le rendez-vous manqué, l’histoire qui advient ou qui aurait pu advenir. Bandes blanches centrales entrecoupées de silences, ligne de vie ininterrompue croisant des signalétiques dont le sens même, dans son dépouillement, crée un indéfinissable vertige au lieu de nous rassurer.
      

     Par ses objets vaguement menaçants de jadis, par ses peintures froidement arachnéennes, par ses photos de routes où viennent éclore à l’intérieur du paysage d’autres petites photovisions, Jean-Marc Meloux ne cesse de tisser et de tendre les fils mystérieux, entrelacés, de sa propre vision. Au bout de la route, ce bout qui bien sûr n’existe ni pour lui ni pour personne, je crois bien que c’est là qu’il s’attend, pour un dernier rendez-vous avec ce qui n’a pas de fin.
   

     Moi, je suis toujours prêt à faire un bout de chemin avec les êtres qui conservent par derrière eux l’idée, à l’inverse de tant d’artistes arrivistes actuels, que l’important est de partir sur les routes de sa propre aventure.
   

     
© Jean-Marc Meloux, Voies multiples, Collection particulière






Pour Jean-Marc, ce fut tantôt avec des morceaux de bois, des pointes acérées, de la vie cherchée dans les rues de Paris, des bouts de pellicules, aujourd’hui avec la photo numérique, peu importe le medium utilisé, ce qui compte c’est le voyage, l’inaccessible point de fuite.


                                                   


↔︎⬇︎↔︎







© Jean-Marc Meloux, Mannequins. L'ombre d'un regard.






Des regards masqués dans la ville



Les yeux bandés dans le labyrinthe graphique
l’homme cherche la pose de sa jeunesse abrupte
Il s’est cru dissimulé par ses rêves
dans la zone figée des banlieues aveugles
(la nuit dévoile ses corps bleus ou noirs)



© Jean-Marc Meloux, Duo.

Dans le duo des solitudes doubles
c’est l’heure des vitrines claires à peine réelles
c’est l’heure des coupe-circuits nocturnes
de celui qui ne dort pas




Quadrillages et flèches n’indiquent que le vertige
d’un sens devenu introuvable
aimanté par un ailleurs des images
Aux mannequins de Chirico font désormais écho
des photographies suspendues 
aux virtualités du regard






© Jean-Marc Meloux, Le passage à l'acte





➚ ⬍ ➘





       Jean-Marc Meloux est, pour moi, un ami de près de cinquante ans, autant dire de toute une vie. Nous nous sommes rencontrés  deux ans avant mai 68, à l'époque de la revue Phases, un peu mieux connue maintenant par les lecteurs de ce blog.
     
     Il a bien sûr une formation de peintre, mais a toujours été tenté par l'expérimentation de différents médias, a travaillé au théâtre, a pratiqué le cinéma expérimental, exploré la photographie, la peinture sur ordinateur. Si je voulais m'amuser - et lui avec moi -, je dirais qu'il est le plus introverti des extravertis que j'ai pu connaître. Ami ouvert et généreux, toujours prêt à découvrir ce qu'il ne connaît pas, mais aussi refermé sur son propre secret comme s'il lui manquait la clef de cette étrange serrure qu'il n'ouvrira pas. Et je crois que notre point commun le plus fort est bien de cet ordre. Fasciné par la vie, par le désir de la vie, par la vie des villes et de ses ailleurs, par la femme et le sexe, mais aussi par l'angoisse d'être, par les métamorphoses du réel ou par les jeux qu'autorise sa représentation la plus immédiate. Il a été un des premiers à affirmer sa sensibilité positive à l'égard du pop art dans une époque où celui-ci passait, à tort, pour un pur produit américain. D'ailleurs, sa mise en pages photographique, encore aujourd'hui, se souvient de l'écriture visuelle d'un Klasen, même si quelque chose de plus (l'angoisse intérieure peut-être) pousse la construction photographique de Jean-Marc Meloux  vers un cri, en fait, de nature expressionniste.

     



© Jean-Marc Meloux, Rail-road Wadi Rum






    Ce que j'ai toujours apprécié chez lui, c'est qu'il a beaucoup cherché, avec des moyens divers certes, mais sans jamais se renier au nom d'une quelconque réussite. C'est un photographe très peintre si l'on veut, il y a incontestablement chez lui une volonté perfectionniste d'aller au bout d'une œuvre, d'une recherche, d'une idée. Cela se sent. Cela se partage. Même si les balises n'indiquent pas forcément le droit chemin que certains peuvent croire.


                                                                                                        Pierre Vandrepote





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire