samedi 11 avril 2015

Guy Cabanel / Journal intime





Guy Cabanel/Journal intime

(Impressions d’une lecture)








Dessin de Jean Terrossian - © Terrossian et Ab irato, 2015








C’est un journal si intime que c’est plutôt un journal de nuit, en forme de rêve, peut-être de cauchemar. Les phrases y tombent, comme des annonces non contrôlées, de lointains rochers qui tiennent miraculeusement en équilibre. On ne sait pas ce qui se passe, on n’est d’ailleurs pas si sûr qu’il se passe quelque chose.

Il peut arriver que le héros soit décapité, mais cela ne l’empêche pas de continuer son chemin. La blessure est visible, pourtant tout est parfaitement normal.

Le paysage est un coupe-gorge. La nuit est verte, silencieuse, isolée. D’un côté, des fusils; de l’autre, une ombre bienveillante.

Ou plutôt la nuit est rigoureusement rouge maintenant. La ville est déserte. On ne sait plus qui poursuit qui.

La piscine est une cathédrale asséchée. Les souvenirs sont froids comme du marbre. La sécheresse pleut d’un ciel à l’envers.

Des Indiens indiquent le chemin. Quant aux dieux, ils préfèrent s’en remettre au Grand Ours aveugle.








Couverture (détail) — Le retour de Melmoth, Jean Terrossian
© Terrossian et Ab irato, 2015







Les histoires de famille ne sont jamais aussi claires, ni d’ailleurs aussi sombres qu’on voudrait croire. Tantôt ce sont les pieds qui dépassent, tantôt les lettres, jamais écrites. Des mots même, jamais prononcés. Dure loi de l’hérédité.

Un voyage à la mer sous la mer. On veut prendre une route mais elle se ferme. On veut entrer dans le jour, c’est la nuit. On saute, la faille s’agrandit.

Le train-fantôme propose ses poupées. Les jeunes filles sont de l’autre côté du noir. Tout à coup, une chevelure. Près du visage réel.

La clef du mystère un soir de grande réception. La bâtisse est immobile. Sans le savoir, « L’Amiral Leblanc accompagne l’Amiral Leblanc ». Une femme superbe apparaît, exactement comme on disparaît.



Guy Cabanel, Journal intime, 1943—1953
Dessins de Jean Terrossian


Ab irato éditeur, 2015 —  6, rue Boulle  75011 Paris




                                                                                               Pierre Vandrepote

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire