lundi 6 octobre 2014

Omer Amblas, peintures / Guadeloupes, poème de Pierre Vandrepote












GUADELOUPES







© Omer Amblas, Le Géreur, huile sur toile, Détail











Pour Mélène et Jean,
puis un jour aussi,
Pour Jacinda, Marlyse, Jeanly.



Grande nuit sous la forêt des Tropiques
Le silence passe sur la pointe des pieds
D’un bord à l’autre de l’île
D’un morne à l’autre
Les fougères arborescentes sont comme la main d’un fantôme
Sur le vieux rêve de l’enfant.

*

Lianes jetées dans la mémoire
Entre ciel et terre
Feuilles gluantes immenses sur le chemin
Fouillis d’arbres ponctué de minuscules fleurs rouges
L’autre cerveau pour une terre si proche.

*

La montagne comme une étoile verte
Au fond d’un verre d’eau
On attend la vallée
Il n’y a que des plis sur du ciel.

*

Des îles surgissent de l’île
La mer glisse autour de toi
Arbre sans racines.

*

Plus verte plus jaune plus humide plus venteuse
Plus veloutée plus ravinée inhospitalière
Plus dangereuse ses rocs crevant le nuage
Ses cratères crevant le roc
La Soufrière souffle dans ses arènes






© Omer Amblas, Le Géreur, huile sur toile, 150x150


























Sofaïa se cache doucement sous la pluie violente
La montagne se laisse caresser par des bouts de mer
La case est abandonnée
Nous y prendrons gîte
Seigneurs de l’île.

*

D’ici personne ne peut nous voir
Des gerbes de feuilles sont nos alliées
Au loin les maisons ne sont allumées que pour la pluie
Nous nous installons comme après le passage d’un cyclone
Une voiture qui remonte chasse sous l’averse.

*

Épais nuages des Tropiques
Océan noir des montagnes
La nature surgit verdoyante d’un bloc de désert.

*

Adossée à la pluie sous le bleu du ciel
En pleine montagne sous d’autres montagnes
La grande maison coloniale apparaît
Rose et blanche
Rêve halluciné d’une nuit tombée.

*

L’île est devenue sensation pure
Mer de montagnes
Volcans de plantes et d’arbres
La route monte vers le creux du ciel
Le soleil ravage les nerfs.

*

Tout se tient d’arbre à arbre
De feuille à fleur
Mais avec des trous
Pour laisser passer l’illogique beauté.

*

Fines dentelles d’eau venue de loin
Aux marches du désert
L’îlet dérive au large comme un caillou
Ici la terre ne s’aventure que par bribes.

*

Nature violente
Tout pousse en force en peaux épaisses en bogues infracassables
Troncs élancés
Feuilles démesurées
Le bananier laisse pendre sa dure matrice
Comme un organe de fer
Au beau milieu des plantes parasites.






© Omer Amblas - Les rebelles, huile sur toile, 100x100









La fleur du balisier éclôt à même la nuit
Gorgée d’eau et de soleil
Son rouge velours comme un ongle retourné de la terre
Le cœur vert pourrait pleurer
Sous la zébrure du jaune.

*

Ici pas de paysage de campagne
Quelques herbes enroulées pour les cabris
De dures écorces pour les chèvres
Tout est jungle nature condensée
Précipitée.

*

L’arbre se déploie
Massif et transparent
Même parsemé de fleurs rouges
Il reste branches
Et feuilles 
Jamais couvert.

*

Les vagues sont de l’île
Elles ne sont porteuses d’aucune nouvelle des lointains
On est un accent circonflexe
Posé sur plusieurs mers
Qui ont perdu leur identité
On est seuls
Dans l’exiguïté de l’infini.

*

Soudain on n’aperçoit plus la mer
La terre est violette ce n’est pas la terre
Les arbres s’entremêlent ce n’est pas la forêt
L’île est habitée mais rien n’entame son secret
Peu d’oiseaux de bêtes terrées
On n’entend plus que le bourdonnement solaire
D’une langue inconnue.






© Omer Amblas, Les insoumises, technique mixte, 100x100


























Un avion décolle
Faisant de l’île une parenthèse
Le bruit de ses moteurs semble allonger le ciel
De quel côté les ailes
Le rêve dans la voix.

*

Bref crépuscule
Sur la peau sombre
D’une jeune habitante
D’un village oublié
Au bord de la mer.

*

Esprits du vent et de la pluie
Esprits de la mer et du vent
Esprits de la forêt et du feu sous la terre
Esprits de la mer et de la pluie
Esprits du silence et de la montagne
Lucioles virevoltantes
Qui rendez visible la nuit tropicale

*

Dans la forêt
Deux arbres sorciers siamois







© Omer Amblas, Danse nocturne, huile sur toile, 100x100











Il y a comme des gouttelettes pâles de brume
Elles font à peine vibrer
La rose porcelaine.

*

Tout ce vert impénétrable de Basse-Terre
Qui devient chant pour une vague immobile
Les contrebandiers y ont leur Trace
Les écrevisses leur Cascade
La Lézarde y a son saut
Ici le morne est Léger
Ailleurs ce sont les Mamelles ou les Pitons de Bouillante
Jamais pourtant l’île ne s’est faite aussi rassurante
On pourrait toucher le ciel avec ses doigts.

*

Errants et nus dans le Vent caraïbe
Les palmiers ne sont plus ni à la terre ni à la mer
Restes décimés d’une folle armée des sables.

*

Quelques maisons coloniales croient encore en leurs vertus       
     civilisatrices
Érigeant les murets de l’ordre et de l’aggloméré
Mais sans bien savoir elles poussent l’âme vers l’Inde
Vers de vieux temples rêvés
Vers des dieux qui seraient serpents
Vers des danses interdites avant la disparition du soleil.

*

Deshaies
Gros bourg ou ville minuscule
Ses rangées de maisons entre montagne et mer
C’est l’Europe et l’Afrique
Un peu l’Amérique
Village de pêcheurs et d’énigmatiques plaisanciers
Trouant le crépuscule
Le vieux ponton de bois
Se laisse bercer d’eaux calmes.

*

Guadeloupes innocentes
Comme les ailes du papillon
Mais que dire des Saintes de Marie-Galante
Ou de la Désirade
Guadeloupes ironiques
Depuis le Trou Madame Coco
Jusqu’à la pointe Coq-souris
Guadeloupes majestueuses
Du haut de la montagne de Capesterre
Le long de la grande rivière à goyaves
De la pointe de la Grande vigie
A l’anse de la savane brûlée
Guadeloupe
En trait d’union
Qui te dis Basse-Terre en tes plus hauts sommets
Grande-Terre pour ta plus petite aile
Toi qui disparais si vite dans l’envol
Toi qui as la forme exacte
Du regard et de la présence. 



                                                                    Avril 1992      —      Pierre Vandrepote











© Omer Amblas, Chabin, huile sur toile
150x150




Note sur une rencontre



     Je ne connais Omer Amblas que depuis peu. Lorsque, dans son atelier, j'ai découvert sa peinture, ce sont trois mots qui m'ont sauté à la figure. Ces mots sont évidemment Soleil cou coupé. C'est, on s'en souvient, le dernier vers de Zone, le poème d'Apollinaire, dernier vers repris par Aimé Césaire, en 1948, comme titre de l'un de ses plus célèbres recueils.
     Omer est d'origine guadeloupéenne, et curieusement né justement cette même année. J'avais moi-même publié le poème ci-dessus, avec son (s) délibérément provocateur et tendre, dans la revue Les Temps Modernes comme un hommage sensible à une île si accueillante à mon insouciance éblouie. Je l'ai publié jadis avec la dédicace qu'on a pu lire, en remerciement de l'accueil d'une joyeuse famille qui nous hébergea, ma femme et moi, selon les plus belles lois du hasard et de la spontanéité.

     Lorsque j'ai vu les premières têtes peintes par Omer avec cette force nue d'un gros plan décuplé (que le cinéma n'autoriserait pas), je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la splendeur caraïbe, à son histoire mêlée de colère et de générosité, à sa violence juste, à sa bonté où tout fait musique et joie de vivre.

     Jadis, Césaire a chanté "la férocité calme du géranium immense de notre soleil". Le défi a été relevé dans l'ivresse d'un autre type d'inspiration, celle de la peinture. Merci à Omer Amblas pour ces hommes-soleils dont, bientôt, toutes civilisations confondues, l'homme aura tant besoin.

                                                                                           
                                                                Septembre 2014                           P. V.











vendredi 26 septembre 2014

Serge Sautreau, à côté







Le dieu vaudou Dhambala © Wifredo Lam
dessin, 1979












     Dans les premières pages de son Éloge de l’indifférence, Serge Sautreau nous apostrophait: “ Lecteurs, lecteurs, qui êtes tous peu ou prou écrivains, vous savez intuitivement qu’écrire est un acte  au futur, une manière de sournoiserie pour converser, par le biais d’un étrange monologue, avec demain.”  Nous voici donc devenus, aujourd’hui, ton demain, aussi peu assurés du nôtre que tu pouvais l’être du tien. Pour sans cesse différée qu’a pu être ton “indifférence”, la belle insolence de tes mots faisait le plus souvent mouche  dans un coin de notre sensibilité, de notre pensée, de notre rire, sur le mode de la connivence sauvage, celle que tu pratiquais généralement avec les amis. Il m’est encore difficile, pour l’instant, d’écrire sur toi, je crois que je préférerais parler de toi, de Serge S., je préférerais te parler, mais, tu l’avais dit, “étrange monologue” désormais.

      Au début des années 80, j’avais eu le pressentiment que quelque chose naissait, même si j’étais un peu seul à jeter certains types de ponts, j’avais appelé cela “une génération de l’ombre et de la lumière”; les veilleurs qui se dessinaient derrière la lampe avaient pour noms Petr Král, Serge Sautreau, Pierre Peuchmaurd, André Velter. Il y en avait quelques autres, je voulais maintenir la conjuration à la fois secrète et active, cela donna la collection Inactualité de l’orage. Le texte de Serge y fut publié en novembre 1981, le titre en était “L’Exactitude”, détournant avec ses mots à lui le bref encart de la collection: “Le peu de réalité d’un temps dont, apparences déjouées, nous ne sommes guère, voilà qui ne saurait nullement nous retenir de trouver en nous-mêmes la clé ouverte —le passe— de ses pseudo-verrous.”
   




© Antoni Taulé, dessin 1980





















     

     Au fil du temps, j’ai appris à découvrir les différentes vitesses d’écriture de l’ami Serge. Lui dont je connaissais surtout les fulgurances, l’écriture-coupure, coupante, j’ai découvert qu’il n’en était pas moins un amoureux du conte, du conte de la vie comme elle nous est si souvent refusée, mais c’est peu de dire qu’il avait, lui, pris les plus grandes distances avec la nécessité sociale, les blessures infligées par le principe politique de réalité. Ce que je veux dire par là, et je veux qu’on l’entende bien, c’est que Serge Sautreau était un poète absolu. Pas le genre d’homme à se plaindre, à jalouser qui que ce soit, à jouer les misanthropes ou les seigneurs de la réussite, même marginale, pas même le genre à affecter un dandysme quelconque; à tout cela je crois qu’il préférait la pêche métaphysique en eaux limpides, la vérité du coeur, la forge des mots en feu. Evidemment ce n’est pas avec des moyens comme ceux-là qu’on fait les poètes en vue, mais il ne m’a jamais dérangé personnellement que la poésie ait toujours un peu maille à  partir avec l’invisible, voire avec une certaine invisibilité, ce qui est loin d’être la même chose.
      Doué d’une conscience politique aiguë et, simultanément, d’une générosité de tempérament, il me semble que la vérité la plus profonde de l’homme était dans son souci de poésie. Je me souviens très bien d’une de ses formulations qui consistait à dire que le poète est au service de la poésie, et non l’inverse. Ce n’est pas d’humilité qu’il s’agit alors, mais de la plus grande ferveur : autant Serge n’avait guère de respect pour l’obligation sociale, autant il avait grand souci de son interlocuteur, et tout autant de l’expression poétique. L’heure n’est pas venue, en tout cas pour moi, de démêler l’écheveau de la trajectoire du poète et de sa poésie, mais j’ai tendance à penser que “l’effet guillotine” de ses mots ont été tempérés par sa prose que l’humour prenait un malin plaisir à prolonger comme s’il était dans l’essence d’une construction mentale de ne jamais finir.
     





Las Abalochas  (détail) © Wifredo Lam, huile sur toile, 1970








     Il y a pourtant des écritures, des rythmes, des précipités, des vertiges pris entre virgules qui ne s’oublient pas, qui s’impriment dans les nerfs au-delà du sens apparent. Serge Sautreau, dès le départ, pour moi c’était cela, des rapprochements et des brisures syntaxiques qui n’appartiennent qu’à lui, inventeur d’une logique métaphorique en perpétuelle émulation-destruction. Le fil se jette, déchirant l’air, il y a du courant, un magnétisme imprévu, une imprévisible magnésie, allez savoir ce que dit la poésie, si elle chante comme un bruit de torrent dans le silence, avant et après. Et pendant.
   Le désir m’a repris d’édition séditieuse et semi-clandestine; c’est alors qu’a paru Rivière je vous prie (1997) à l’Atelier Le ciel sur la terre. J’y ai retrouvé, parfaitement insoumis, le ton qui m’était cher :

“L’arc-en-ciel a droit de chute sur les mousses, la maïeutique, le système nerveux et les plans d’eau béante au-delà des rapides.

Voici l’inentrevue, la veine de vie insomniant ses terres.

Rivière noire.
Rivière d’or.
Rivière d’avant loi.”






Rivière je vous prie par Serge Sautreau
© atelier Le Ciel sur la Terre, hors commerce, 1997








      A lire un texte comme celui-là, on se dit qu’il y a tout de même, dans notre pays, une invraisemblable censure économique, culturelle, morale pour qu’un poète de cette qualité ne trouve pas immédiatement un éditeur, de ceux qui ont pignon sur rue, et sont chargés de faire rayonner ce qui, déjà, rayonne. Puissent les pages qu’on lit dans ce cahier réparer l’outrage fait à la poésie, puisque, plus que jamais, il faut des poètes pour publier les poètes.
   Et il est vrai, aussi, qu’en la poésie toujours quelque chose, ou plutôt quelqu’un, résiste. Serge n’était pas loin de penser que la réalité n’est que ce qu’elle mérite d’être. La question vaut justement d’être posée si tant est que les individus, spécialement les poètes, sont des faiseurs de réalité. L’imaginaire de chacun n’est pas une barricade mystérieuse, tous les secrets sensibles, tous les secrets sacrés sont partageables, il n’y a pas de limites à ce qu’un homme tente de dire, pas de frontières aux pays qu’il tente de fréquenter “car il n’y a pas de chemin à accomplir, ce chemin, de même que la cible, se trouvant inclus dans la flèche même et sa course.” (in Les aventures froides).




Serge Sautreau est mort le 18 mars 2010.

Le texte qu’on vient de lire est daté du 26 avril 2010.

                                              

  Les illustrations d’Antoni Taulé et de Wifredo Lam sont extraites
du recueil de Serge S. intitulé ABALOCHAS, publié en 1981 chez Pierre Bordas et fils.                                       




                                                                      Pierre Vandrepote


jeudi 11 septembre 2014

Jephan de Villiers, berger des soleils noirs








© Jephan de Villiers







     Il y a un moment irremplaçable entre les êtres, c’est celui où on ne se connaît pas encore. Le début de la rencontre, le moment où on attend tout de l’autre. Ce n’est pas un moment d’amour, pas même encore un moment d’amitié. Une disponibilité flotte dans l’air, avec beaucoup de silence autour. C’est comme si une révélation allait se produire, qui vous concerne vous, plutôt que l’autre. Le moment où on sort du connu pour entrer dans l’inconnu, où on passe du même à l’autre, mais sans jamais se perdre vraiment. Pourtant cet autre nous fait découvrir un paysage que nous ne connaissions pas, que nous n’avions pas imaginé. Le mystère est que ce paysage nous est malgré tout familier, qu’il n’existe pas dans le réel connu, identifié, mais que son étrangeté même ne nous est pas incompréhensible, comme si elle faisait partie de nous depuis toujours sans que nous le sachions. Pour que nous aimions un être, une œuvre, il faut que nous soyons en mesure de le reconnaître. Curieusement, pas de connaissance sans reconnaissance. Est-ce de là que vient l’ambiguité, dans notre langue, du sens de ce mot ? L’autre est ainsi une passerelle vers l’inconnu, il nous montre combien nous sommes mobiles à l’intérieur de nous-mêmes, comme nos frontières perceptives sont perméables au rêve d’autrui.





















Lorsque j’ai rencontré pour la première fois Jephan de Villiers, c’était à l’occasion d’une de ses expositions à la 

Commanderie des Antonins de Saint-Marc-la-Lande, lieu magique s’il en fût, replié et déplié sur son propre secret. Un tel environnement est presque un prolongement objectif des expositions qui y sont présentées. Ce fut le cas pour celle de Bernard Devisme, c’est aujourd’hui un écrin pour les êtres montés de la terre et des bois que Jephan de Villiers y convoque. On ne sait quel nom leur donner à ces êtres qui nous regardent mi-inquiets mi-éberlués, comme si nous leur paraissions irrréels et plutôt dangereux : des gnomes, des génies errants venus de la nuit des forêts, de formes inconnues jusqu’à présent de l’espace-temps ? Le « sculpteur » les nomme lui-même des bois-corps, désignant ainsi au plus simple leur matérialité. Je mets « sculpteur » entre guillemets tant ce n’est pas la technique de mise en œuvre de cet univers qui me paraît déterminante, mais le travail poétique de l’imagination qui nous trouble au plus profond. Deux éléments se sont conjugués dans l’enfance de Jephan. Il déclare lui-même : « Creuser la terre, parler aux fourmis, c’étaient là mes premières découvertes de la nature, mon second ailleurs après la tête. » Et un peu plus loin, il ajoute : « Cet environnement était très stimulant. Il m’encourageait à m’extérioriser, à m’exprimer pour essayer de dire sans le savoir le trouble de l’existence. »(*)







Les bâtons du vent
© J. de Villiers





















Rien n’est souvent plus tragique, contrairement à ce que croit l’adulte, que le jeu de l’enfant. Le divertissement est d’abord un arrachement à la banale répétition des jours, à un quotidien mal supporté. Le monde, les tribus intérieures que Jephan de Villiers a conçus au fil du temps, les portant vers le jour, ce sont des pensées matérialisées, du rêve qui aurait eu le dur désir d’apparaître. Monde énigmatique, processionnaire qu’aucun dieu ne saurait combler. Il n’y a pas qu’une seule dimension ludique dans l’œuvre que l’artiste propose à notre dérive, il y a aussi, me semble-t-il, le signe que nous fait un contre-monde pour nous mettre en garde face au danger que représentent aujourd’hui nos actions humaines essentiellement basées sur l’exploitation de tous les équilibres naturels qui assurent la possibilité de la vie sur une planète désormais inquiète dans sa chair même.
Ces petits êtres rêveurs qui viennent nous visiter ont peut-être une double fonction, celle de nous éveiller à notre conscience la plus souterraine, celle de nous avertir que la vie n’est jamais complètement séparée de ce qui la nie.






Avant l'envol. Autoportrait aux racines sur la tête.
© J. de Villiers






     Nul doute que Jephan de Villiers soit un artiste, un sculpteur, mais il est surtout un poète de la vision intérieure. Dans son « Autoportrait aux racines sur la tête », il retrouve d’instinct la légende qui fait de l’homme un Arbre inversé, symbole sans doute de l’unité du monde, mais aussi de son questionnement, de son infini déchirement. 



(*) Les citations sont extraites de : Jephan de Villiers, Conversation avec Arnaud Matagne, éditions Tandem.




Pierre Vandrepote