Le numéro 8 de la revue apulée, qui paraît aux éditions Zulma sous la houlette de Hubert Haddad est en effet une « revue de littérature et de réflexion » comme elle se présente elle-même, mais elle est aussi et surtout d’une réflexion actualisée et diversifiée dans des directions qui ne sont guère communes en France.
C’est dans les grandes passions créatrices qu’il nous faut désormais chercher des issues aux « grandes espérances ». De ce point de vue, le temps n’est rien autre qu’un sinistre balayeur des utopies vivantes en chacun. Les jeunes femmes iraniennes tournent dans le rêve nocturne des jeunes poètes algériens assassinés, mais les rêves des unes et des autres sont plus longs que la nuit du monde toujours à naître ou à disparaître.
La liberté, qui est comme une sorte de désir sans fin, est une utopie réelle qui ignore le temps. C’est pourquoi le superbe dossier que cette revue consacre à
« André Breton, dans la magnificence de l’improbable » trouve tout naturellement sa place ici.
Ce qui invente en profondeur une époque est rarement ce dont on parle le plus. Rien n’est plus juste que d’éclairer la sensibilité poétique par ce qui en est la part la plus secrète. Ainsi le fondateur du surréalisme peut-il reconnaître et saluer en Jean-Claude Barbé un des derniers grands poètes, hésitant toujours sur le seuil du temps.
L’illustration de Thierry Pertuisot, qui accompagne le poème « Que sommes-nous sans la beauté », tend à créer le plus étrange prolongement de ce poème dans la direction d’un film absolument unique, L’Odyssée de Pi (2012), du réalisateur Ang Lee dont la magie à la fois technique et mentalement d’une grande pureté éblouit pour longtemps l’idée d’image cinématographique.
« Il attendait son rêve enfin réalisé
D’un voyage au-delà des rives familières
Sur une succession d’océans en colère
Se relayant pour battre un record Il aurait
Lui sur sa barque étroite alors le sentiment
De naître ailleurs que dans des cuisses de maman
Il aurait sous les pieds le gouffre qui effraie »
…/…
J Cl B.